20 octobre 2025

La clause bénéficiaire de l’assurance vie

La clause bénéficiaire dans l’assurance-vie est un outil incontournable de transmission. Elle permet de se constituer une épargne, de la valoriser, et surtout d’organiser sa transmission dans un cadre civil et fiscal particulièrement avantageux. Pourtant, au-delà des rendements et de la fiscalité, la clause bénéficiaire est un élément fondamental qui conditionne l’efficacité de ce placement. En effet, souvent rédigée à la hâte, ou copiée sur des modèles prérédigés, elle est pourtant la clé de voûte d’un contrat d’assurance-vie. C’est effectivement elle qui détermine qui, en cas de décès de l’assuré, recevra les capitaux. Mal rédigée, elle peut entraîner des contentieux familiaux, des conséquences fiscales imprévues, voire une remise en cause totale des volontés du souscripteur. 

La fonction essentielle de la clause bénéficiaire

La clause bénéficiaire a un rôle unique ; celui de désigner la ou les personnes qui recevront les capitaux-décès issus du contrat. En d’autres termes, elle indique à l’assureur à qui verser le capital ou la rente lorsque le risque assuré, soit le décès du souscripteur, survient. Ce droit appartient exclusivement à ce dernier. C’est une prérogative personnelle et intransmissible. En cela, ni ses héritiers, ni une tierce personne par mandat ou procuration ne peuvent effectuer ce choix à sa place. Ce caractère personnel se justifie par la nature même de la désignation, qui repose sur des considérations intimes, affectives ou morales, que seul le souscripteur peut apprécier.  Lorsque le souscripteur et l’assuré sont deux personnes distinctes, la désignation ou la modification du bénéficiaire suppose l’accord exprès de l’assuré. Il est enfin important de rappeler que le bénéficiaire de l’assurance-vie peut être une personne physique ou une personne morale. En présence de plusieurs bénéficiaires, la répartition du capital peut être différente pour chacun. 

Les modalités de désignation du bénéficiaire 

La rédaction de la clause bénéficiaire peut être simple ou complexe selon les objectifs recherchés. En ce sens, plusieurs modalités existent.

1. Désignation par la qualité

Il est possible de désigner le bénéficiaire en fonction de sa qualité : « mon conjoint », « mes enfants », « mes héritiers ». Dans ce cas, les capitaux reviendront à la personne qui possède cette qualité au moment du décès de l’assuré.
  • Mon conjoint : cette formule vise uniquement les personnes mariées, et exclut les partenaires de PACS et les concubins. Le conjoint reste bénéficiaire tant que le divorce n’est pas prononcé.
  • Mes enfants nés ou à naître : cette mention englobe tous les enfants, qu’ils soient légitimes, adoptifs, naturels ou même adultérins, dès lors que leur filiation est établie. Elle inclut aussi les enfants simplement conçus au moment du décès.
  • Mes héritiers, mes ayants droit : aujourd’hui, la jurisprudence considère que les héritiers sont des bénéficiaires déterminés, même en cas de renonciation à la succession. En revanche, la mention « mes ayants droit » peut poser problème, car elle inclut potentiellement les créanciers du souscripteur.
Ce type de désignation est pratique et souple, mais il faut être attentif aux termes employés, car certains peuvent créer des ambiguïtés.

2. Désignation nominative

Il est aussi possible de désigner nommément un ou plusieurs bénéficiaires, en indiquant leurs noms et prénoms. Dans ce cas, il est important d’apporter le plus de précisions possibles en mentionnant ainsi le nom de naissance et le nom marital le cas échéant, le(s) prénom(s), la date de naissance et l’adresse du ou des bénéficiaire(s). En cas de changement d’un de ces éléments, il est évidemment primordial d’en avertir l’assureur.  Cette option permet de lever toute ambiguïté et d’éviter des contentieux. Cependant, elle peut poser des difficultés en cas de prédécès du bénéficiaire, si aucun bénéficiaire subsidiaire n’a été prévu. Elle peut aussi susciter des problèmes d’interprétation si le bénéficiaire est désigné à la fois par sa qualité et par son nom, par exemple « mon conjoint Mme X ». En cas de divorce et de remariage, la situation devient incertaine et peut nécessiter l’intervention du juge.

3. Le bénéficiaire subsidiaire

Pour sécuriser la transmission, le souscripteur peut désigner un bénéficiaire subsidiaire, qui percevra le capital si le bénéficiaire principal ne peut ou ne veut pas l’accepter, notamment en cas de prédécès ou de renonciation. Cette prévoyance évite que le contrat n’entre dans la succession par défaut.

4. Les bénéficiaires proscrits

Certaines catégories de personnes sont proscrites de la clause de désignation des bénéficiaires d’un contrat d’assurance vie, en raison de risques de conflits d’intérêts ou de considérations éthiques et juridiques. Il n’est ainsi pas possible de désigner comme bénéficiaires les membres des professions médicales ayant soigné le souscripteur dans le cadre de la maladie ayant causé son décès. Cela vise à éviter toute influence indue sur la relation médecin/soignant-patient et garantir l’impartialité des soins. De même, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, chargés de gérer les affaires des personnes vulnérables, sont exclus pour prévenir tout risque de manipulation ou de conflit d’intérêts. Les ministres du culte sont également proscrits, car leur rôle spirituel pourrait engendrer des pressions morales ou éthiques sur le souscripteur, compromettant ainsi la liberté de choix du bénéficiaire. Enfin, les animaux ne peuvent être désignés comme bénéficiaires car ils ne disposent pas de la personnalité juridique et ne peuvent en conséquence pas recevoir des avantages financiers. Ces restrictions visent à protéger les intérêts des souscripteurs et à assurer que les bénéficiaires soient choisis en toute liberté et sans influence extérieure.

Le formalisme de la désignation 

La désignation du bénéficiaire peut se faire selon plusieurs modalités prévues par le Code des assurances.

1. Clause insérée dans le contrat

La clause peut être intégrée dès la proposition d’assurance. Dans ce cas, l’assureur connaît immédiatement la volonté du souscripteur. C’est la solution la plus simple, mais elle laisse peu de place à la personnalisation.

2. Désignation par écrit séparé

La désignation peut aussi être faite par un écrit distinct :
  • Par avenant au contrat, pour remplacer ou modifier la clause initiale ;
  • Par lettre adressée à l’assureur, de préférence recommandée avec accusé de réception, afin de garantir la bonne prise en compte ; 
  • Ou même par un écrit conservé à domicile, bien que cette dernière option présente des risques évidents de perte ou de destruction.

3. Désignation par testament

Lorsque le souscripteur est également l’assuré, il peut désigner les bénéficiaires par testament, qu’il soit authentique ou olographe. Cette solution permet de conserver une confidentialité totale jusqu’à l’ouverture de la succession. Cependant, il est préférable d’informer l’assureur de l’existence d’un tel testament, faute de quoi il versera les capitaux au bénéficiaire apparent mentionné dans le contrat, en toute bonne foi. Le testament doit être rédigé avec soin pour éviter toute ambiguïté. Ainsi, la formule « je lègue mon assurance-vie » est à proscrire, car elle peut conduire à intégrer les capitaux dans la succession, leur faisant perdre leur régime privilégié.

4. Cas particulier des co-souscriptions

Lorsqu’un contrat est souscrit conjointement par deux époux, la désignation du bénéficiaire doit être faite ensemble. Le testament conjonctif étant interdit en droit français, la désignation par ce biais est impossible.

La modification de la clause bénéficiaire

Tant que le bénéficiaire n’a pas formellement accepté le contrat, le souscripteur peut modifier librement la clause. Cette modification peut intervenir à tout moment :
  • Par avenant ;
  • Par un simple écrit, même sur papier libre ;
  • Ou encore par testament.
Cette souplesse est essentielle pour adapter la clause aux évolutions de la vie familiale en cas de mariage, divorce, naissance, décès, ou encore recomposition familiale.

Les enjeux civils et fiscaux 

La rédaction de la clause bénéficiaire a des conséquences non seulement civiles, mais aussi fiscales. Mal rédigée, elle peut provoquer l’intégration du capital décès dans la succession, avec application des droits de mutation, et priver les bénéficiaires du régime fiscal privilégié de l’assurance-vie. À l’inverse, une clause claire, bien rédigée et régulièrement mise à jour permet :
  • D’assurer le respect des volontés du souscripteur ;
  • De protéger efficacement les bénéficiaires ;
  • Et d’optimiser la transmission du patrimoine.