Les placements de trésorerie long terme
La gestion d’un surplus de liquidités dans une entreprise représente un défi majeur pour ses dirigeants. Comment peuvent-ils diversifier et sécuriser ces liquidités excédentaires ? Quels placements à court, moyen ou long terme sont les plus appropriés ? Voici nos recommandations.
Le paysage financier a considérablement évolué ces dernières années. Jusqu’en 2022, l’acronyme TINA (« there is no alternative ») était largement utilisé pour décrire la situation où les actions étaient considérées comme l’unique option pour générer des rendements performants, en raison des taux d’intérêt bas. Cependant, le récent rebond significatif des taux d’intérêt a bouleversé cette perception, donnant naissance à un nouvel environnement que certains appellent le CIA (« cash is the alternative »).
Ce changement a ramené l’attention sur des actifs qui étaient quelque peu négligés. Les fonds monétaires, par exemple, ont enregistré des entrées nettes record en 2023, atteignant 196 milliards d’euros, après une année 2022 déjà solide avec 109 milliards d’euros. En comparaison, les flux étaient seulement de 12 milliards en 2021.
La montée des taux a incité de nombreux investisseurs à se tourner vers les fonds monétaires. Ces fonds ont connu une forte collecte depuis fin 2022, contrairement aux fonds obligataires à court terme. Cette tendance s’explique en partie par une courbe des taux inversée, où le taux monétaire (€STR) reste actuellement proche de 4 %, un niveau plus élevé que les taux à plus long terme.
Comment gérer sa trésorerie ?
Un rendement élevé avec un risque minimal est naturellement attractif, surtout lorsqu’il s’agit de gérer les liquidités disponibles d’une entreprise. Les entreprises ont souvent une approche à court terme de leur trésorerie pour répondre aux fluctuations des flux de trésorerie, comme le paiement des dividendes au cours de périodes spécifiques, telles qu’avril ou mai.
Une partie de l’argent disponible pourrait déjà être placée sur des supports un peu plus longs, mais le vrai changement vers des produits obligataires à court terme attendra que les taux d’intérêt baissent réellement. De plus, les fonds monétaires sont maintenant beaucoup plus sûrs qu’auparavant. Bien qu’il puisse y avoir quelques différences entre les fonds, comme le type de titres utilisés, l’utilisation ou non du prêt de titres, ou la durée moyenne des investissements (environ 0,46 an pour les fonds monétaires). Ce n’est plus un domaine sans règles, comme avant la crise de 2008 lorsque certains fonds monétaires utilisaient des dérivés de manière douteuse.
Aujourd’hui, pour être considérés comme des fonds monétaires, ils doivent suivre les directives de l’ESMA (l’Autorité européenne des marchés financiers), qui établit un cadre précis sur les actifs autorisés. Cependant, il existe des différences entre les différents fonds.
Par exemple : chez BFT IM, le principal fonds monétaire, BFT Aureus ISR, est principalement investi dans des émissions en euros, avec la possibilité d’intégrer d’autres devises en les couvrant. Son homologue, BFT France Monétaire Court Terme ISR, se concentre principalement sur le marché français et a une durée de vie moyenne pondérée des titres limités à 120 jours, contre 365 jours pour les fonds monétaires standards. BFT IM propose également les fonds BFT crédit 6 mois ISR et BFT crédit 12 mois ISR, qui offrent des rendements plus élevés en investissant dans des titres d’émetteurs privés.
Les différences de performance entre les fonds monétaires ne sont pas seulement dues à la stratégie. Les frais jouent un rôle crucial, avec des variations significatives : par exemple, le fonds Axa IM Euro Liquidity SRI ne prélève que 0,01 % de frais récurrents, alors que d’autres fonds peuvent aller jusqu’à 1 %, avec une moyenne de 0,2 %.
Mais pour ces fonds, l’objectif n’est pas uniquement d’atteindre la meilleure performance. Ils conservent également des montants importants de liquidités en portefeuille pour assurer une liquidité immédiate aux investisseurs, même dans des conditions de marché difficiles. Cela signifie qu’il est important de regarder le ratio performance sur volatilité plutôt que simplement la performance absolue.
La période favorable des fonds monétaires pourrait toucher à sa fin, surtout avec une éventuelle baisse des taux directeurs de la BCE dès juin. Les 4 % actuels ne sont donc pas garantis pour l’année 2024. En moyenne, la rentabilité implicite des fonds monétaires pour l’année à venir est de 1,7 %, selon les inventaires de portefeuille actuels.
Après un mois de janvier marqué par des entrées de fonds monétaires de 28 milliards d’euros, février montre une tendance inverse avec une sortie de fonds de 9,4 milliards d’euros. Ceci suggère peut-être un changement de tendance.
L’analyse du surplus de trésorerie d’une entreprise
La gestion de la trésorerie d’une entreprise nécessite une approche stratégique, influencée par plusieurs facteurs. Il est crucial de définir clairement ce qu’est l’excès de trésorerie, parfois appelé trésorerie stable ou à long terme, en identifiant les fonds dont l’entreprise n’a pas besoin pour ses opérations courantes ou ses distributions de dividendes.
Le type d’entreprise joue un rôle majeur dans la façon dont sa trésorerie est gérée. Les entreprises opérationnelles et les sociétés holdings présentent des besoins différents en termes de gestion financière. Par exemple, pour une entreprise opérationnelle, il est essentiel d’évaluer les charges fixes et leur évolution potentielle par rapport aux prévisions de croissance des ventes, ainsi que de vérifier la situation des provisions pour les impôts. De plus, la nature de l’activité de l’entreprise influence également la gestion de sa trésorerie. Par exemple, une entreprise d’import-export, qui paie ses fournisseurs immédiatement mais qui est payée par ses clients après un délai de 60 jours, nécessitera une réserve de liquidités plus importante qu’une entreprise de conseil.
Les sociétés holdings présentent des considérations particulières, notamment la possibilité pour les entrepreneurs de conserver leurs actifs au sein d’une structure holding personnelle pour des avantages fiscaux. Cela entraîne des choix de placement différents, car la société holding n’a pas nécessairement besoin de liquidités pour ses opérations.
Il est essentiel d’évaluer la disponibilité future et le niveau de risque associé à chaque aspect de la trésorerie. Les investisseurs disposés à sacrifier la liquidité immédiate peuvent envisager des déports à terme proposés par les banques, offrant un rendement fixe sur une période définie. Cependant, ces placements peuvent comporter des pénalités en cas de retrait anticipé, ce qui nécessite une analyse minutieuse des conditions bancaires.
Malgré la diminution des offres attractives de comptes à terme, ils demeurent une option intéressante pour les entreprises opérationnelles, offrant un équilibre entre rendement potentiel et liquidité.
Le contrat de capitalisation et la trésorerie de long terme
Si l’objectif est d’assurer un rendement sur plusieurs années sans compromettre la sécurité, le contrat de capitalisation offre une solution intéressante pour les entités juridiques, fonctionnant comme une forme d’assurance-vie. Il permet d’investir intégralement dans un fonds en euros.
Actuellement, les assureurs recherchent des fonds pour acheter des obligations à des taux attractifs, ce qui devrait augmenter les rendements des fonds en euros à l’avenir. Contrairement à il y a un an, où l’accès au fonds en euros était limité et peu rémunérateur pour les entreprises, la situation s’est améliorée. Les capitaux et les intérêts investis dans le fonds en euros sont protégés, et les fonds peuvent être récupérés rapidement, généralement entre quinze jours et trois semaines.
Par exemple, Afi-Esca propose un rendement net de frais de gestion garanti de 3,5 % pour son fonds en euros en 2024, avec des perspectives de hausse pour 2025. Le contrat de capitalisation permet également de diversifier les investissements vers des unités de compte (UC) telles que des actions ou des obligations, ce qui peut être intéressant pour les entreprises cherchant à optimiser leurs rendements tout en contrôlant les risques.
Introduire des UC dans un contrat de capitalisation offre l’avantage supplémentaire d’améliorer le rendement garanti, sous certaines conditions. Par exemple, en investissant 30 % dans des UC, les souscripteurs peuvent espérer obtenir un taux garanti dépassant 5 % sur le fonds en euros pour 2024 et 2025. Cependant, des pénalités de sortie peuvent être appliquées en cas de retrait anticipé avant quatre ans.
Le contrat de capitalisation présente également des avantages fiscaux, bien que moins avantageux que l’assurance-vie en termes de succession. Les intérêts générés sont soumis à une fiscalité annuelle indexée sur le taux moyen d’emprunt d’État (TME) et le solde en sortie. En outre, il offre une garantie de jusqu’à 100 000 euros par assureur, avec des contrats luxembourgeois offrant une garantie plus importante grâce à une ségrégation des actifs.
Les produits structurés
En France, les produits structurés sont principalement associés au marché de détail. Cependant, les placements de trésorerie d’entreprise connaissent une forte croissance sur ce marché.
Un bon produit structuré se caractérise par sa clarté et sa simplicité. Lorsqu’il est difficile de trouver la cotation de l’indice sous-jacent, cela indique souvent un produit plus onéreux en frais, avec un scénario de rappel peu probable. Il est essentiel d’être vigilant, surtout lorsque les marchés financiers sont à des niveaux élevés, avant d’opter pour de telles solutions. C’est pourquoi les produits basés sur de grands indices ou des paniers d’actions purs sont préférés, offrant moins de rentabilité mais avec une réalisation plus sûre.
Il est important de déterminer le niveau de risque que l’entreprise est prête à accepter ou le rendement espéré, en veillant à surpasser nettement la rémunération d’un compte à terme pour que le choix d’un produit structuré soit justifié.
Passer d’un dépôt à terme à un produit structuré n’a pas de sens pour de légères améliorations de performance. La préservation du capital est souvent privilégiée pour la trésorerie d’entreprise, orientant souvent vers des produits obligataires tels que les Credit Linked Notes ou les produits à capital garanti.
Chez Lynceus Partners, les Credit Linked Notes (CLN) ont généralement des échéances de trois à cinq ans, plus adaptées aux entreprises que les produits à capital garanti et intérêts garantis sur une période plus longue, qui conviennent mieux aux investisseurs institutionnels. Les CLN peuvent concerner des entreprises individuelles ou des États.
Les produits structurés offrent une personnalisation potentielle, certains clients préférant identifier un risque précis, tandis que d’autres privilégient la diversification. Les CLN diversifiés peuvent générer un rendement annuel de 6 % sur trois à cinq ans, avec une protection du capital si le nombre de défauts reste limité sur la période.
L’utilisation de produits trop risqués, même pour une trésorerie excédentaire, peut avoir des conséquences, notamment en cas de cession, où une plus-value latente sur un produit peut influencer la valorisation.
L’avantage des produits structurés réside dans leur capacité à garantir une rémunération sur une période plus longue qu’un compte à terme. La dénomination unitaire des titres est souvent à 1 000 euros, offrant une certaine liquidité en cas de besoin.
Des solutions plus risquées
Pour la partie de la trésorerie prête à prendre des risques, d’autres options sont envisageables. Par exemple, l’immobilier, malgré ses difficultés face à la hausse des taux. Les SCPI de nouvelle génération, sans frais d’entrée, sont à considérer, notamment Remake Live (Remake AM) qui a affiché des rendements remarquables en 2022 et 2023. Pour ceux inquiets des fluctuations du marché, l’usufruit de SCPI peut être un choix judicieux. Il permet de toucher des revenus pendant une période définie, sans subir l’impact des révisions de valeur potentielles. Cependant, cette option est rare et demande parfois de trouver une personne pour acheter la nue-propriété.
D’autres alternatives existent, comme les portefeuilles obligataires en titres vifs proposés par certaines banques privées, mais ils sont généralement accessibles pour des montants plus importants. Pour les holdings patrimoniales, les actifs non cotés comme le Private Equity ou les infrastructures peuvent être intéressants, bien que cela nécessite un horizon d’investissement plus long et une certaine tolérance au risque.