L’articulation entre le mariage et la vie professionnelle

Le régime matrimonial peut avoir de lourdes conséquences dans la vie professionnelle d’un individu. En effet, un chef d’entreprise est confronté tout au long de sa carrière à de nombreuses épreuves aux enjeux considérables. Protéger sa famille ainsi que son patrimoine sont d’ailleurs des enjeux de taille. Ces questions sont à considérer. 

Avant de déterminer le rôle du conjoint dans l’entreprise, le chef d’entreprise doit faire des choix éclairés sur sa place vis-à-vis de son patrimoine professionnel. Cette réflexion nécessite une série de décisions pertinentes, dont la première concerne le régime matrimonial.

Après avoir méticuleusement choisi le régime matrimonial, connaître les mécanismes permettant la protection optimale de son conjoint et/ou de son patrimoine semble nécessaire. Il faut que le chef d’entreprise anticipe constamment afin de développer une stratégie évolutive accompagnant son mariage, son potentiel divorce et son décès. 

Quels sont les options que le chef d’entreprise dispose s’il ne souhaite pas se marier ? Ici, nous étudierons les possibilités juridiques de s’unir sans forcément passer par le mariage.

Le concubinage 

Le concubinage correspond à une relation de cohabitation stable et continue entre deux personnes en couple. C’est une union simple qui nécessite simplement d’avoir une vie commune. 

Bonne nouvelle : il est possible de gérer son patrimoine même en concubinage 

En effet, même s’il n’existe pas de formalités particulières au plan civil, ce n’est pas le cas au plan fiscal. Les deux concubins sont dans l’obligation de se déclarer séparément concernant l’impôt sur le revenu. Cependant, ces derniers doivent effectuer une déclaration commune pour l’impôt sur la fortune immobilière, qui pour rappel, est redevable lorsqu’il y a possession d’un patrimoine immobilier de plus d’1,3 million d’euros. En se déclarant ensemble, ils ne pourront pas bénéficier deux fois de ce seuil.  

En matière des droits de succession, le concubin qui reçoit le patrimoine de l’autre sera taxé à hauteur de 60% puisque les concubins sont considérés comme des tiers. 

Le concubinage comporte donc des avantages et des inconvénients. Il accorde une plus grande marge de manœuvre et d’indépendance au chef d’entreprise pour gérer, disposer et prendre des risques avec son patrimoine. Cependant, le concubin ne bénéficie d’aucune protection, et la charge fiscale est plus élevée.

Le PACS 

Le pacte civil de solidarité est un contrat organisant la vie commune d’un couple. Le PACS engendre des droits et des devoirs à l’égard des partenaires tel que l’obligation de vie commune, l’aide matérielle et le devoir d’assistance. Mais également à l’égard des tiers puisque les partenaires sont solidaires pour les dettes contractées dans le cadre des besoins de la vie courante.

En principe, le pacs implique un régime de séparations de biens. Par exception, il est possible de choisir un régime d’indivision, et dans ce cas, chaque biens acquis ensemble ou séparément par les partenaires seront indivis pour moitié. 

D’un point de vue fiscal, les déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune immobilière seront communes. 

Le chef d’entreprise peut bénéficier d’avantages pour son partenaire, y compris la possibilité de faire des donations en sa faveur avec un abattement de droits de donation de 80 724 euros, similaire à celui accordé aux conjoints mariés.

En ce qui concerne les droits de succession, attention, car en l’absence de testament, le partenaire n’a aucun droit sur la succession et serait soumis à une taxe de 60 %, comme s’il était un tiers. Cependant, la situation est bien plus avantageuse si un testament accorde des droits successoraux au partenaire de Pacs : dans ce cas, le régime fiscal est similaire à celui du conjoint marié, ce qui signifie une exonération totale des droits de succession entre partenaires de Pacs.

De plus, le partenaire lié par un Pacs bénéficie également d’une priorité en tant que bénéficiaire du capital-décès de la Sécurité sociale, au même titre que le conjoint survivant. Ainsi, une protection accrue est accordée au partenaire, lui conférant des droits presque équivalents à ceux d’un conjoint marié. Le régime du Pacs offre également une certaine flexibilité, tant dans sa mise en œuvre que dans les choix laissés au chef d’entreprise pour la gestion et l’organisation de son patrimoine. Par conséquent, le régime du Pacs peut être comparé à un régime de séparation des biens ou à une forme de communauté à travers l’indivision, selon les options choisies par le dirigeant.

Cependant, il est important de noter que le régime juridique du Pacs ne permet pas la mise en place de stratégies de transmission plus complexes qui ne sont accessibles qu’au conjoint marié, telles que la participation aux acquêts, le préciput, le cantonnement ou une donation entre époux.

Maintenant, voyons les différentes options possibles si le chef d’entreprise souhaite se marier.

Les différents régimes matrimoniaux

Les relations entre époux sont régies par un cadre légal incontournable. Peu importe le régime matrimonial choisi, c’est le régime primaire qui prévaut, englobant diverses règles obligatoires telles que des droits sur le logement familial, même s’il appartient à un seul des époux, l’obligation de contribuer aux charges du mariage, et la liberté de disposer de ses propres comptes bancaires ou comptes-titres.

Parmi les principaux régimes matrimoniaux, on distingue trois typologies : le régime de communauté, la participation aux acquêts et la séparation des biens.

les différents types de régimes

Le régime légal 

Les couples mariés sans contrat de mariage sont d’office marié sous le régime de la communauté d’acquêts : régime légal depuis le 1er février 1966. C’est le régime le plus répandu, même lorsque que le couple est constitué d’un ou deux entrepreneur(s). 

D’un point de vue patrimonial, le régime légal comprend 3 masses de biens : les biens propres de chacun des époux et les biens communs. Bien sûr, il est tout à fait possible d’aménager conventionnellement ce régime.  Alors certes, les revenus et salaires d’un conjoint sont communs et les deux conjoints bénéficient de l’accroissement de la communauté mais chaque conjoint conserve la propriété et la gestion de ses biens personnels, comprenant notamment ceux acquis avant le mariage ou hérités par succession ou donation.

Dans le cadre professionnel par exemple, le chef d’entreprise contrôlera seul la cession ou la transmission de son entreprise si celle-ci constitue un bien propre (par exemple si elle a été acquise avant le mariage). Par contre, il faudra l’accord de l’autre époux pour la cession de parts sociales appartenant à la communauté, même si l’époux n’est pas associé. 

Dans tous les cas, lorsque les titres sont financés par des fonds communs, ils demeurent des actifs communs et doivent être répartis de manière équitable entre les époux en cas de décès ou de divorce.

En ce qui concerne la prise en compte des risques, il est important de noter que la communauté est engagée par les dettes professionnelles de chacun des époux, qu’il s’agisse de professions libérales, d’entrepreneurs individuels ou d’associés d’une SNC ou d’une SCI.

Lorsque le mariage se forme, généralement, les époux acceptent facilement le concept du partage de la communauté. Mais lorsque le mariage se dissout par un divorce, et que les comptes de récompenses s’établissent, le partage devient plus douloureux. En effet, voir son entreprise aller pour moitié dans le patrimoine de son ex-époux(se) est compliqué.
Pour finir, lorsque le conjoint non-entrepreneur décède, l’entreprise devra être évaluée (notamment le paiement des droits par les enfants). Tel ne serait pas le cas en séparation de bien.

La communauté universelle 

C’est également un régime communautaire selon lequel tous les biens quels que soient leurs origines sont communs. Les dettes sont également toutes communes. 

Ce régime est extrêmement protecteur pour le conjoint, surtout si les enfants ont reçu d’importantes donations. Il est possible dans ce cas de stipuler des clauses optimisant la part successorale du conjoint survivant (en lui faisant hériter de plus de la moitié de la communauté). La clause d’attribution intégrale doit tout de même être utilisée avec prudence car elle n’ouvre qu’une seule succession (celle du dernier conjoint), et engendre de ce fait, une fiscalité importante. 

Lorsqu’un bien censé être propre est inclus en communauté (dans un régime de communauté réduite aux acquêts), cela procure un avantage matrimonial au conjoint bénéficiaire. Les époux doivent donc être informés sur l’existence de la clause de reprise des apports en cas de divorce, afin de protéger l’actif professionnel. 

La séparation des biens 

Le choix du régime de la séparation des biens est très courant lorsqu’un entrepreneur souhaite protéger son conjoint et sa famille des risques de sa vie professionnelle. Ce régime est très simple en principe car il repose sur deux masses de biens : les biens personnels de chacun des époux. De ce fait, les dettes aussi sont personnelles à chacun des époux (sauf les dettes dans l’intérêt du ménage). Celui qui contracte une dette, doit la payer. 

Après avoir contribué aux charges du mariage, chacun des époux construit son propre patrimoine en utilisant ses propres ressources. Le chef d’entreprise établit et développe son patrimoine professionnel de manière distincte dans un ensemble qui lui est propre.

Si les époux achètent un bien ensemble, le bien ne sera pas commun mais indivis. L’indivision n’engendre pas nécessairement une propriété à 50-50 comme ce serait le cas en communauté. Ce régime offre donc aux époux une certaine indépendance patrimoniale.
En cas de difficultés financières rencontrées par l’un des époux en raison de son activité professionnelle, seuls les biens personnels de ce dernier seront susceptibles d’être saisis par les créanciers, à condition que l’autre conjoint n’ait pas accordé de garanties ou de caution. Cependant, le régime de séparation des biens ne permet pas le partage des revenus, salaires, gains et plus-values, que ce soit pendant le mariage ou à sa dissolution, ce qui peut entraîner une protection insuffisante pour le conjoint en cas de divorce ou de décès de l’entrepreneur.

La séparation de biens est particulièrement recommandée lorsque l’un des conjoints exerce une profession à risque, à condition de respecter certaines règles : éviter l’acquisition de biens en indivision, ne pas s’engager solidairement, et ne pas fournir de garanties personnelles ou grever les biens personnels du conjoint pour les créanciers.

La participation aux acquêts 

C’est un régime assez particulier puisque les règles seront les mêmes que la séparation de biens pendant le mariage, mais lors de sa dissolution, un mécanisme communautaire est utilisé. En fait, ce régime permet de comparer les deux patrimoines lorsque le mariage est dissous afin d’observer les enrichissements de chacun et rétablir l’égalité si l’un des époux s’est enrichi plus que l’autre. La participation aux acquêts offre les avantages de la séparation des biens relatif à l’activité professionnelle tout en protégeant le conjoint. 

Ce régime est peu utilisé à cause de sa complexité de mise en œuvre, pourtant, il est adapté aux attentes des époux et surtout à l’entrepreneur, puisqu’il allie indépendance et participation aux bénéfices. 

Les aménagements possibles

donation au dernier vivant

La donation au dernier vivant (donation entre époux) est une convention par laquelle les époux expriment leur désir de donner plus de liberté au conjoint survivant quant à la répartition du patrimoine du défunt conjoint. En présence de descendants, cet acte notarié prévoit généralement que, au décès de l’un des époux, le conjoint survivant pourra choisir entre la part qui lui revient et celle attribuée aux enfants, qu’ils soient issus de cette union ou d’autres relations antérieures. (cf.illustration ci-contre).

Par la suite, divers ajustements peuvent être réalisés pour modifier la masse commune dans le cadre d’un régime matrimonial communautaire, tels que les clauses d’apport à la communauté ou les clauses d’exclusion de communauté. De même, il est envisageable de créer une masse commune dans le cadre d’un régime de séparation de biens, désigné alors comme une société d’acquêts. Afin de pallier les éventuels inconvénients d’une séparation trop stricte, les époux peuvent inclure dans leur contrat de mariage une communauté de biens, définissant ainsi son contenu et ses règles de gestion.

Ce dispositif permet notamment aux chefs d’entreprise de pouvoir adapter leur régime de séparation vers une certaine forme de communauté, combinant ainsi les avantages d’une protection vis-à-vis du patrimoine professionnel avec ceux d’une protection renforcée du conjoint.

Pour conclure, il est possible d’accorder des avantages au conjoint lors de la dissolution du régime matrimonial en incluant des clauses telles que le partage inégal, l’attribution intégrale ou le préciput. La clause de préciput est la plus répandue, permettant au conjoint survivant de prélever certains biens spécifiquement désignés ou une catégorie déterminée de biens, comme la résidence principale par exemple (en usufruit ou en pleine propriété).

Ces ajustements offrent de multiples avantages : outre leur grande flexibilité, ils permettent de choisir les biens que le conjoint survivant recevra et de gérer efficacement la fiscalité lors du premier décès. Ils permettent également d’anticiper les donations aux enfants tout en renforçant la protection du conjoint. Enfin, il est important de souligner la diversité des outils disponibles. Les chefs d’entreprise doivent continuellement réfléchir à l’évolution de leur régime matrimonial tout au long de leur vie, afin de répondre aux besoins de l’entreprise et de protéger le conjoint et la famille dans son ensemble.