2 décembre 2025

Donation entre époux : un levier essentiel pour protéger le conjoint survivant

Dans la gestion de patrimoine, la question de la protection du conjoint occupe une place centrale.
Au-delà de l’aspect affectif, il s’agit d’un enjeu patrimonial fort : comment assurer au conjoint survivant le maintien de son niveau de vie, tout en préservant les droits des enfants ?

Parmi les outils à disposition, la donation entre époux, aussi appelée donation au dernier vivant ou institution contractuelle, reste l’un des plus puissants. Acte simple à mettre en place, elle permet d’adapter la succession à la situation du couple et d’offrir une véritable souplesse au moment du décès.

1. La protection légale du conjoint : un socle à renforcer

Sans disposition particulière, les droits du conjoint survivant sont fixés par les articles 756 et suivants du Code civil. Depuis la réforme de 2001, le conjoint est devenu héritier à part entière, mais non réservataire. Cela signifie qu’il bénéficie de droits importants, mais qu’ils peuvent être limités par la présence d’enfants ou d’ascendants.

En pratique :

  • En présence d’enfants communs, le conjoint peut choisir entre l’usufruit de toute la succession ou le quart en pleine propriété.
  • En présence d’enfants non communs, il n’a droit qu’à un quart en pleine propriété, sans option possible pour l’usufruit universel.
  • En l’absence d’enfants, mais avec des parents vivants, le conjoint ne reçoit pas la totalité : les ascendants conservent un quart chacun.

Ces règles, bien que protectrices, restent parfois insuffisantes pour garantir la stabilité du conjoint survivant, notamment dans les familles recomposées ou lorsque le patrimoine comprend le logement principal. C’est ici qu’intervient la donation entre époux, qui permet d’aller au-delà du cadre légal.

2. La donation entre époux : une liberté de choix au moment du décès

La donation entre époux est un acte notarié conclu du vivant des deux conjoints.
Elle prend effet uniquement au décès de l’un d’eux, sans aucun transfert immédiat de propriété.

Son principal atout ? Elle offre au conjoint survivant plusieurs options au moment du décès, lui permettant d’adapter sa décision à la situation patrimoniale et familiale.

  • En présence d’enfants communs

Le conjoint peut :

  • Recevoir l’usufruit de l’ensemble du patrimoine,
  • Opter pour un quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit,
  • Ou choisir la pleine propriété dans la limite de la quotité disponible.

Ce système « à la carte » lui permet de combiner sécurité de revenus (grâce à l’usufruit) et maîtrise patrimoniale (grâce à la pleine propriété sur certains biens).

Exemple concret :

Un couple marié avec deux enfants. Au décès de l’un, le survivant choisit ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit. Il conserve la jouissance du logement, peut percevoir les loyers ou revenus, tout en laissant la nue-propriété aux enfants, assurant ainsi la continuité patrimoniale.

  • En présence d’enfants non communs

Sans donation, le conjoint n’a droit qu’à ¼ en pleine propriété. La donation entre époux permet de supprimer cette limite et d’accorder par exemple l’usufruit de la totalité ou une combinaison plus avantageuse (par exemple ¼ en pleine propriété et ¾ en usufruit).

C’est une solution très utile dans les familles recomposées, où elle protège le conjoint remarié sans léser les enfants du premier mariage.

  •  En l’absence d’enfants

Lorsque des ascendants (parents du défunt) sont encore vivants, ils peuvent hériter d’une part.
La donation entre époux permet ici d’écarter cette part, car les ascendants ne sont plus réservataires depuis la réforme du 23 juin 2006.

Le conjoint survivant peut donc recevoir la totalité de la succession, sous réserve du droit de retour légal sur les biens donnés par les parents.

Ainsi, la donation entre époux s’adapte à toutes les situations et devient un véritable instrument de pilotage successoral.

3. L’usufruit du conjoint survivant : protéger sans bloquer

L’un des effets majeurs de la donation entre époux est la possibilité d’attribuer l’usufruit universel au conjoint survivant. Celui-ci peut alors utiliser, habiter ou louer les biens, tandis que les enfants en détiennent la nue-propriété.

Ce mécanisme assure une sécurité financière immédiate pour le conjoint :

  • Il peut continuer à vivre dans le logement familial,
  • Percevoir les revenus locatifs,
  • Et bénéficier des capitaux (intérêts, dividendes…).

Pour autant, la loi protège aussi les enfants nus-propriétaires. L’article 1094-3 du Code civil impose au conjoint usufruitier de fournir un inventaire des biens et un état des immeubles afin de garantir la transparence. Les nus-propriétaires peuvent aussi demander le placement des capitaux pour éviter toute dilapidation. 

Une souplesse supplémentaire : la conversion de l’usufruit

Depuis 2006, l’usufruit peut être converti en capital ou en rente viagère (articles 759 et 761 du Code civil). Cette option peut être décidée à l’amiable entre le conjoint et les héritiers, ou par le juge, sauf lorsque l’usufruit concerne le logement principal. Cette solution évite de figer la situation, notamment lorsque le conjoint est jeune et que la cohabitation patrimoniale s’annonce longue.

Les obligations de l’usufruitier

Le conjoint usufruitier doit, conformément à l’article 605 du Code civil, entretenir les biens, régler les charges d’occupation (impôts fonciers, travaux courants, etc.) et jouir des biens « en bon père de famille ». Il ne peut céder que son usufruit, et non la nue-propriété. 

Inversement, les enfants nus-propriétaires ne peuvent vendre la pleine propriété sans son accord.

L’usufruit apparaît ainsi comme un compromis efficace : il protège le conjoint tout en préservant les droits futurs des enfants.

4. Le cantonnement : une transmission raisonnée

Le cantonnement est une possibilité offerte par la donation entre époux depuis la loi du 23 juin 2006.
Il permet au conjoint survivant de limiter volontairement sa prise dans la succession.

Autrement dit, il accepte la libéralité, mais choisit de ne recevoir qu’une partie des biens prévus, laissant le reste aux autres héritiers (souvent les enfants).

Ce mécanisme, prévu par l’article 1094-1 alinéa 2 du Code civil, offre une souplesse remarquable.
Le conjoint peut par exemple conserver uniquement le logement et laisser le reste du patrimoine aux descendants. 

C’est un outil de transmission intelligente, qui permet d’ajuster le partage en fonction de la situation réelle au moment du décès (âge, besoins, entente familiale, etc.).

En revanche, ce droit n’existe que dans le cadre d’une libéralité entre époux ; il ne peut pas s’exercer sur les droits successoraux légaux.

5. Une fiscalité très avantageuse

Sur le plan fiscal, la donation entre époux est particulièrement attractive.

Exonération totale de droits de succession

Depuis la loi du 21 août 2007, le conjoint survivant est totalement exonéré de droits de succession (article 796-0 bis du CGI). Peu importe la valeur du patrimoine reçu, aucun impôt n’est dû. Ainsi, le conjoint peut choisir librement l’option la plus favorable (pleine propriété, usufruit, combinaison des deux) sans impact fiscal.

Coût de la donation

L’acte de donation entre époux n’occasionne aucun droit de mutation au moment de sa signature, puisqu’il ne produit d’effet qu’au décès. Seuls les frais d’acte et d’enregistrement sont dus (article 636 du CGI). Ces frais restent modiques au regard des enjeux successoraux couverts.

Transmission future aux enfants

Si le conjoint survivant a reçu l’usufruit, son décès ne génère aucune nouvelle taxation : la nue-propriété détenue par les enfants devient pleine propriété automatiquement, sans coût supplémentaire. En revanche, si le conjoint a opté pour la pleine propriété, les biens seront taxés lors de sa propre succession.
Et attention : les enfants du premier défunt, s’ils ne sont pas héritiers du second conjoint, seront imposés selon le barème applicable entre non-parents (article 777 du CGI).

Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI)

Dernier point : le conjoint usufruitier est imposable à l’IFI sur la valeur totale en pleine propriété des biens immobiliers dont il détient l’usufruit. Une vigilance s’impose donc si le patrimoine immobilier global dépasse 1,3 million d’euros.

6. Une stratégie patrimoniale à part entière

La donation entre époux n’est pas seulement un outil juridique, c’est une véritable stratégie de prévoyance et de transmission.

Elle combine :

  • Souplesse : le conjoint choisit ses droits au moment opportun.
  • Protection : maintien du cadre de vie et des revenus.
  • Neutralité fiscale : exonération totale de droits de succession.
  • Équilibre familial : respect des enfants tout en assurant la sécurité du conjoint.

Dans les familles recomposées, elle s’avère souvent indispensable pour éviter des situations de blocage ou de déséquilibre après un décès. 

En conclusion, prévoir une donation entre époux, c’est avant tout protéger son conjoint et préserver l’harmonie familiale. Elle permet d’offrir de la souplesse au moment du décès, d’éviter les conflits entre héritiers, et d’assurer une continuité patrimoniale sereine.

Mais chaque situation est unique. La pertinence et la rédaction de la donation dépendent :

  • De votre régime matrimonial,
  • De la composition de votre patrimoine,
  • Et de vos objectifs de transmission.

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